La Fiscalité : Un Frein à l’Utilisation du Financement par Crédit-Bail par les Banques ?

La Fiscalité : Un Frein à l’Utilisation du Financement par Crédit-Bail par les Banques ?

Le crédit-bail est un outil de financement largement utilisé par les entreprises pour l’acquisition de biens d’équipement, notamment, des matériels industriels, véhicules et de matériels technologiques. Dans ce cadre, les banques jouent un rôle essentiel en tant qu’institutions de financement, permettant aux entreprises d’accéder à ces biens sans engager immédiatement de gros capitaux. Ce mode de financement présente de nombreux avantages, notamment la préservation de la trésorerie de l’entreprise et la flexibilité liée aux options possibles. Cependant, des défis importants, notamment en matière de fiscalité, et en particulier les règles relatives à la TVA, soulève des questions cruciales quant à l’efficacité et à l’attractivité du crédit-bail. Cet article explore si la fiscalité constitue un frein à l’utilisation du crédit-bail par les banques, en examinant les problématiques fiscales spécifiques et les solutions potentielles.

1. Le Crédit-Bail : Un Mécanisme de Financement Avantageux

Le crédit-bail, ou leasing, offre de nombreux avantages aux entreprises, notamment la possibilité de financer des actifs sans les acheter immédiatement, ce qui préserve la trésorerie. Pour les banques, le crédit-bail représente une source de revenus stable, basée sur les loyers perçus pendant la durée du contrat. Ce mécanisme permet aux entreprises de bénéficier d’une certaine flexibilité financière et d’une gestion plus souple de leurs actifs. Elles bénéficient plus particulièrement des avantages ci-après :

  • Préservation de la trésorerie : Les entreprises n’ont pas à mobiliser d’importants capitaux dès le départ.
  • Flexibilité : Les contrats de crédit-bail sont souvent plus flexibles que les prêts traditionnels.
  • Fiscalité avantageuse : La TVA facturée sur les loyers est déductible contrairement à la Taxe sur les Activités Financières (TAF) supportée sur un prêt classique. De plus, Les loyers peuvent être déductibles des revenus imposables, ce qui réduit la charge fiscale.

2. Les Enjeux Fiscaux du Crédit-Bail

Malgré ses avantages, le crédit-bail est confronté à des défis fiscaux, notamment en ce qui concerne la récupération de la TVA. Les règles fiscales sénégalaises encadrant le crédit-bail peuvent parfois réduire l’attractivité de ce type de financement, tant pour les entreprises que pour les banques.

2.1. Récupération de la TVA

L’une des principales difficultés liées au crédit-bail réside dans la récupération de la TVA supportée par les banques sur les achats effectués dans le cadre du contrat. En effet, au terme des dispositions de l’article 379 du code des impôts su Sénégal, cette TVA ne peut être déduite que sur une durée de deux (2) ans. Or, les loyers qui permettent à la banque de la récupérer sont facturés sur une durée plus longue.

Dans le cas où la TVA n’est pas récupérée dans le délai susmentionné, il est prévu un mécanisme de remboursement par l’État. Toutefois, la banque ne peut en bénéficier des lors que ce mécanisme est soumise à des conditions particulières.

En effet, l’article 390 du CGI dispose en ses alinéas 6 et 7 « Le crédit de déductions n’est restituable que s’il est justifié par le régime du précompte ou des exonérations ouvrant droit à déduction. En tout état de cause, le crédit restituable ne peut excéder la TVA exigible sur le chiffre d’affaires relatif au précompte et aux exonérations justifiées réalisé sur la période au titre de laquelle le crédit est constitué ».

Cela signifie que lorsque le crédit est constitué par une opération de crédit-bail, comme cela est le cas pour le banques, à l’expiration du délai de deux (2) années pour récupérer la TVA, aucune restitution ne peut être accordée.

2.2. Impact sur les Banques

La réglementation fiscale, notamment les limitations imposées par les articles 379 et 390 du Code Général des Impôts, pourraient entraîner des répercussions significatives pour les banques dans le cadre des contrats de crédit-bail, particulièrement en ce qui concerne la récupération de la TVA.

  • Perte de TVA non déductible

En raison de l’impossibilité de récupérer l’intégralité de la TVA supportée sur les achats facturés au-delà de la période de deux ans, les banques se trouvent dans l’incapacité de déduire la totalité de la TVA liée à ces opérations. Cela signifie que la TVA payée sur les loyers facturés sur une période supérieure à deux ans ne peut plus être déduite ou restituée. Par conséquent, les banques se retrouvent confrontées à une perte fiscale directe sur ces opérations.

Cependant, il faut préciser que cet impact peut être atténué par le volume de transaction effectué par la banque en ce sens que plus les opérations sont nombreuses, plus de la TVA sera facturée sur les loyers et permettra de régler la TVA supportée en amont.

  • Diminution de la marge vs augmentation des coûts

Deux choix possibles s’imposent aux banques à ce stade :

Soit la perte de TVA est comptabilisée par les banques en tant que charge non récupérable. En conséquence, elles seront contraintes de constater cette perte dans leurs comptes, ce qui impactera négativement leur rentabilité. Cette perte fiscale viendra directement réduire la marge bénéficiaire réalisée sur les opérations de crédit-bail, affectant ainsi leur profitabilité globale.

Soit pour compenser cette perte, les banques choisissent de répercuter l’impact financier sur leurs clients. Cela se traduirait par une augmentation des taux appliqués aux contrats de crédit-bail ou une révision à la hausse des loyers. Une telle augmentation rendrait les contrats de crédit-bail moins attractifs pour les entreprises, qui verraient leurs coûts financiers augmenter. En conséquence, la compétitivité des offres de crédit-bail pourrait être altérée, réduisant ainsi la demande pour ce mode de financement.

Cette situation crée un dilemme pour les banques : absorber elles-mêmes la perte, avec un impact direct sur leur rentabilité, ou transférer le coût supplémentaire à leurs clients, rendant l’opération financièrement moins compétitive. Dans les deux cas, la limitation de la récupération de la TVA constitue un frein à la rentabilité des opérations de crédit-bail, qui devrait être pris en compte dans la gestion de ces contrats.

3. Solutions Potentielles pour Atténuer l’Impact Fiscal

Face à ce défi, des pistes de solution peuvent être explorées. En effet, le banques pourraient porter, à travers leur association (APBEF), une sensibilisation des autorités étatiques sur la question. Ainsi, deux leviers peuvent être actionner pour permettre aux banques de surmonter ce défi lié à la TVA :

3.1. Accorder une exception de délai pour les opérations de crédit-bail

Cela permettrait de prolonger le délai de déduction de la TVA au-delà des deux ans spécifiés par l’article 379 du Code Général des Impôts. Une telle dérogation donnerait aux banques, la flexibilité nécessaire pour récupérer la TVA sur les acquisitions de biens effectuées dans le cadre du crédit-bail.

Toutefois, une telle exception pourrait être difficile à obtenir sur le plan législatif, car elle nécessiterait une modification du cadre réglementaire, ce qui pourrait prendre du temps et rencontrer une résistance politique ou administrative.

3.2. Permettre la restitution de la TVA

Une autre solution serait de permettre la restitution de la TVA non récupérable après la période de deux ans, ce qui compenserait la limitation actuelle de la déduction. Cela pourrait alléger la charge fiscale supportée par les banques.

Cette solution présente la même limite que le point 3.2. De plus, en pratique, la restitution de la TVA présente des lenteurs administratives et un dénouement incertain.

Hormis ces solutions qui dépendent des exclusivement d’une modification règlementaire qui peut être défendue dans le cadre de la réforme prochaine de la Loi fiscale annoncée par les autorités Sénégalaises, d’autres mesures pourraient être prises pour atténuer le manque à gagner.

3.3. Mesures alternatives pour les banques

En l’absence de réformes législatives immédiates, les banques disposent de deux leviers internes pour atténuer l’impact de la perte de TVA. Cependant, ces solutions, bien que pragmatiques, comportent chacune des inconvénients à prendre en compte.

  • Réduction du Nombre d’Échéances

Une solution qui se pratique déjà largement consiste à faire payer au client, 10 à 20% du montant à la première échéance, le reste étant étalé sur la durée du contrat.

En plus de cette pratique, les banques pourraient raccourcir la durée de l’opération. Cette option peut entraîner une pression sur la trésorerie des entreprises preneuses, qui devront mobiliser des ressources financières plus importantes dès le début du contrat. Cela peut rendre le crédit-bail moins attractif pour certaines entreprises, notamment les PME. De plus, la réduction du nombre d’échéances peut limiter la flexibilité du contrat, ce qui pourrait décourager certains clients qui privilégient des paiements plus étalés dans le temps.

  • Augmentation du Taux Appliqué

Les banques pourraient également compenser la TVA non déductible en augmentant le taux des loyers. En augmentant le coût global du crédit-bail, elles absorbent une partie de la charge fiscale sans affecter directement leur rentabilité.

Cependant, cette solution, même si elle est mise en œuvre en association avec la réduction du nombre d’échéances, aura une répercussion directe sur les clients qui devront payer des loyers plus chers.

Dans ce cas, les entreprises pourraient se tourner vers d’autres modes de financement moins couteuses comme le crédit bancaire traditionnel.

Conclusion

La fiscalité, bien qu’elle pose des défis, ne doit pas nécessairement être vue comme un frein à l’utilisation du crédit-bail. Si elle peut constituer un frein en raison des complexités liées à la récupération de la TVA, des solutions existent pour atténuer cet impact. Pour les banques, il est essentiel de comprendre ces enjeux fiscaux et d’adapter leurs offres de crédit-bail en conséquence. Avec une planification adéquate et des ajustements aux structures de contrat, il est possible de minimiser les impacts fiscaux négatifs. Cependant, pour que le crédit-bail demeure une option de financement viable et attractive, tant pour les entreprises que pour les banques, il est crucial que les législateurs prennent en compte ces défis et envisagent des réformes fiscales qui faciliteraient la récupération de la TVA.

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